L’association Phyto-Victimes a créé un kit pédagogique envoyé à 250 lycées agricoles afin que les jeunes puissent connaître les risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. Et surtout comment s’en protéger. Explications avec Stessy Rekkas, chargée de communication.
Dans le milieu agricole, le sujet est encore tabou. Quant aux programmes scolaires des lycées agricoles, la thématique fait figure d’Arlésienne. Pour ces jeunes, le risque paraît encore un peu abstrait, même si dans la pratique, les comportements évoluent.
Fondée depuis 13 ans, l’association charentaise Phyto-Victimes accompagne dans la France entière les professionnels atteints de pathologies liées à l’usage des produits phytosanitaires : Parkinson, hémopathies malignes (cancers du sang) et cancers de la prostate. Elle s’est donnée également pour mission d’alerter sur la dangerosité des pesticides et multiplie les interventions dans les lycées agricoles pour sensibiliser à leurs usages, aux risques encourus et aux protections essentielles.
« Nous ne pouvons pas être partout, d’où l’idée de créer ce kit pédagogique. Il faut aussi ajouter qu’il est toujours difficile de rentrer dans les établissements scolaires. Nous faisons face à de nombreuses réticences liées au sujet. Alors que l’idée n’est pas d’imposer un discours mais bel et bien de faire de la prévention », précise Stessy Rekkas.
Le kit, soutenu par le Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ainsi que par la région Nouvelle Aquitaine, dans le cadre de l’appel à projet santé-environnement, est composé de plusieurs éléments : une affiche à exposer dans la salle de classe et à l’infirmerie, un jeu type “Incollables” pour tester les connaissances des jeunes, un livret pédagogique complet pour accompagner les professeurs sur la thématique “santé et pesticides” et, une clef USB avec la compilation d’une web-série de témoignages (8 épisodes).
Ce kit a été envoyé en juin, afin que les enseignants puissent s’en emparer et l’intégrer à leur programme scolaire de l’année prochaine. « C’est une première approche, pour proposer un contenu accessible, répondre de manière douce aux enjeux de prévention » précise Stessy Rekkas.
«Le jeu type « Incollable » dispose de trois catégories : santé, sécurité, pesticide et permet d’aborder toutes les notions qui sont ensuite expliquées dans le livret pédagogique : équipements de protection individuelle (EPI), les voies de contamination, les grandes familles de pesticide, les pictogrammes de danger, les CMR, les métiers les plus exposés, les impacts sur la santé, la notion de « maladie professionnelle »…
Dans le livret pédagogique, trois témoignages de victimes sont présentés. Une approche essentielle pour Stessy Rekkas : « en 2024, je suis intervenue dans une dizaine d’établissements. A la fin, je propose toujours un témoignage, en visio ou en présentiel en direct avec une victime de notre association. Ce sont toujours des moments touchants où la parole se délie. De nombreux jeunes sont fils d’agriculteurs et constatent parfois des choses. Les questions fusent à ce moment-là : Est-ce que vous avez saigné du nez, quel matériel avez-vous utilisé, quels symptômes avez-vous eu ? Les jeunes connaissent les dangers mais ne mesurent pas vraiment les conséquences. Et reconnaissent ne pas prendre les précautions nécessaires. Les fameuses 5 minutes pour mettre la blouse, des gants, un masque passent souvent à la trappe. On est pressé, pas le temps, les lunettes, avec la buée c’est pas pratique ! Les arguments, ces anciens agriculteurs les connaissent par cœur, et lorsque l’un d’entre eux leur explique qu’il a du subir une ablation de la prostate et qu’il ne peut plus avoir de relations sexuelles, ça leur parle ! Et qu’il leur répond : finalement j’aurai préféré perdre ces 5 minutes là pour avoir 10 ans de plus, c’est généralement efficace… ».
L’association Phyto-Victimes prépare un nouveau projet, la création d’une BD à l’attention des jeunes. Le but de ce support étant toujours d’aborder les risques, les conseils à suivre lorsqu’on utilise des produits phytosanitaires.
Lien vers le kit de l’association Phyto victimes
