D’ici le 1er janvier 2025, les collectivités devront avoir mis en place des mesures de substitution des contenants alimentaires composés de plastique pour la cuisine, la réchauffe et le service dans la restauration collective. Un objectif fixé par la loi Egalim de 2018 et la loi anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC) de 2020. A Poitiers, la transition est déjà opérée depuis de nombreuses années. Retour d’expérience avec Elodie Bonnafous, adjointe à la production alimentaire locale et à la restauration collective.
Qu’est-ce que la ville de Poitiers a déjà mis en œuvre pour diminuer les contenants alimentaires en plastique ?
A Poitiers c’est une longue histoire. Dès la construction de ses cuisines centrales il y a une vingtaine d’années, la ville a fait le choix de tout équiper en inox. Autre point important, nous avons deux unités de cuisines centrales et non une seule et grosse entité, et elles sont implantées à proximité immédiate de deux gros groupes scolaires. Ainsi les plats arrivent chauds dans les assiettes des enfants.
Pour les repas destinés aux autres établissements qui n’ont pas de cuisine sur place, nous sommes essentiellement sur un système de liaison chaude. Cela signifie que tous les produits sont dans des bacs en inox qu’il n’est pas nécessaire de réchauffer. Au total à Poitiers, nous préparons environ 7300 repas par jour, pour les crèches, les écoles, les restaurants administratifs, les résidences autonomie et les EHPAD.
La loi EGalim oblige à ne plus avoir de plastique dans les cuisines centrales afin d’éviter toute migration de perturbateurs endocriniens et nano-pollution de micro-plastiques. C’est un enjeu de santé publique très fort. Et le choix de bacs en inox, c’est aujourd’hui le plus intéressant du point de vue de la santé.
Il n’y a ainsi plus de plastique dans la restauration collective à Poitiers ?
Je dirais qu’il n’y en a presque plus. Il nous en reste un tout petit peu sur le système de portage de repas à domicile. Nous fabriquons les repas pour le CCAS, qui sont livrés. Nous utilisons des barquettes en cellulose, une matière recyclable et recyclée. Mais certaines des barquettes pour les desserts sont en plastique car nous n’arrivons pas à en trouver à la bonne taille qui soient en cellulose. Nous continuons de chercher des solutions.
Aussi, le recours aux barquettes n’est pas encore l’idéal, car même si elles sont recyclables, cela génère des déchets. Nous sommes donc à l’étude actuellement sur des petits contenants en inox micro-ondable. Trouver des contenants durables, cela ne va pas être une difficulté. En revanche, ce qui est plus compliqué, c’est la logistique autour. Où est-ce qu’on va les laver, sachant que même pour 150 repas cela représente beaucoup de vaisselle en plus ? Et surtout, comment mettre en place un système de récupération de ces contenants ? Faut-il organiser une deuxième tournée pour aller les chercher, puisque pour des raisons sanitaires ils ne peuvent pas rester chez les personnes ? Ou alors faut-il des camions à double compartiment, pour à la fois livrer et récupérer les contenants de la veille ? C’est à l’étude.
Observez vous d’autres points de complexité dans la mise en œuvre de la transition vers de nouveaux contenants alimentaires ?
Oui, et je voudrais évoquer un élément qui est généralement peu abordé quand il est question de ces transitions ; c’est le personnel. Il faut savoir que les métiers de la restauration collective sont de haute pénibilité, du fait de la taille des machines, du poids des bacs en inox, des mouvements du corps. Et quand on travaille en lien avec les enfants, l’environnement est très bruyant.
Aujourd’hui, nous voyons une limite. Nous voulons des contenants durables pour quasiment tout ce que nous servons et supprimer les pots de yaourts et les petits pots de compote, ce qui est complètement cohérent d’un point de vue écologique. Dans les crèches, nous sommes déjà passés aux plateaux en inox compartimentés où l’on trouve l’entrée, le plat principal et le dessert. Nous voulons l’instaurer aussi dans les écoles, mais les agents nous interpellent ! D’une part parce que servir de grands pots de compotes peut générer du gaspillage, car s’ils ne sont pas consommés entièrement le jour même, le reste est à jeter. Il faudra que les fournisseurs de vrac s’adaptent aux quantités dont nous avons besoin.
Ensuite, il faut prendre en compte le fait que le personnel va devoir brasser et laver énormément de contenants, pour une réutilisation le lendemain, voire le jour même pour le goûter. Et là, le sujet est sensible. Tendre vers plus de durabilité des matériaux et vers la réduction des emballages nécessite du personnel en plus et implique donc pour les politiques publiques de faire des choix budgétaires et financiers en termes de ressources humaines. On ne peut pas dire, c’est facile, mettez trois petits godets en verre pour servir la compote. Ce n’est absolument pas si simple.
Pour aller plus loin :
Dossier substitution des contenants alimentaires en plastique en restauration collective sur Vie Publique.
Le Livre blanc du groupe de travail AGORES