Les perturbateurs endocriniens sont une menace mondiale pour la santé humaine et les écosystèmes. Les réponses d’Hélène Budzinski, responsable du laboratoire de physico et toxico-chimie de l’environnement groupe de recherche de l’UMR EPOC de l’Université de Bordeaux, pour faire un point sur la recherche.
Où en est la recherche sur les perturbateurs endocriniens ?
Nous n’avons pas encore assez de recul pour quantifier les taux et l’évolution de ces dernières années. Nous cherchons à comprendre. On classifie, on priorise les sources, on essaie de hiérarchiser les composés qu’il va falloir supprimer en premier. Cela a été le cas pour le Bisphénol A, ou l’Atrazine, un pesticide interdit depuis une dizaine d’années. Mais le problème se complexifie parce qu’on mélange un très grand nombre de molécules perturbatrices endocriniennes (bisphénol A, phtalates, PCB, pesticides), qui peuvent alors agir en synergie, et leurs effets biologiques peuvent se conjuguer. Une même substance peut avoir des effets multiples. Pour l’instant, on a une bonne connaissance de l’inventaire des molécules, mais les conséquences de l’effet cocktail de ces milliers de molécules ne sont pas encore strictement déterminées. Nous avons, par exemple, été associés au projet de recherche ETIAGE qui vient de se terminer. Nous avons découvert la présence d’antidépresseurs dans l’eau. Cela peut avoir des effets sur la faune aquatique. Les poissons peuvent devenir moins actifs dans leur alimentation ce qui peut participer au déséquilibre de l’écosystème.
Quelles solutions ? Comment lutter ?
On sait aujourd’hui qu’ils entrent dans l’environnement par le biais des effluents industriels et urbains, le ruissellement des terres agricoles, l’incinération et le rejet des déchets. Les stations d’épuration modernes sont efficaces, même si elles ne dégradent pas toutes les molécules. Si on voulait épurer complètement, on saurait faire, mais avec des technologies très onéreuses et pas forcément adaptables à grande échelle. Il faut rappeler que la contamination n’est pas que le fait de l’industrie ou de l’agriculture, c’est aussi une pollution domestique, liée à notre mode de vie. Tout le monde en est responsable. Les produits qui garantissent notre confort, comme les cosmétiques, les détergents, certains médicaments, se retrouvent dans l’eau et la lutte passe aussi par une prise de conscience généralisée.
Cette pollution est-elle réversible ?
Plus ou moins selon les échelles de temps. Les perturbateurs endocriniens sont des composés organiques avec une durée de vie limitée, ils se dégradent tôt ou tard. La pollution aux métaux est plus préoccupante puisqu’ils sont indestructibles. Si on arrête l’introduction, le milieu se réhabilite, mais ne reviendra pas dans son milieu initial, si par exemple entre temps, une espèce a disparu. Aujourd’hui, on ne trouve presque plus d’atrazine dans les milieux aquatiques, au bout de 10 ans d’interdiction.