Pendant les Rencontres internationales de la classe dehors qui se sont tenues à Poitiers du 31 mai au 4 juin, une table ronde était organisée sur le thème : « Comment l’approche One health peut-elle irriguer les processus éducatifs ? ». Cet événement a réuni spécialistes de la santé, chercheurs et représentants du monde de l’éducation. Il était coordonné et animé par Didier Jourdan, professeur, titulaire de la chaire UNESCO et directeur du centre collaborateur OMS « EducationS et Santé ». Interview.
En quoi est-il essentiel que l’approche Une seule santé irrigue les pratiques éducatives ?
Nous avons très souvent tendance à penser la santé de manière indépendante des autres enjeux sociaux et environnementaux, alors que les citoyennes et citoyens de demain ont besoin d’une compétence centrale : pouvoir réaliser que nous vivons tous dans « la zone critique », cette toute petite pellicule de quelques kilomètres entre la roche mère et l’atmosphère, que nous partageons avec l’ensemble du monde vivant. Il est décisif aujourd’hui de voir l’approche Une Seule Santé irriguer les pratiques éducatives justement pour permettre à la santé de prendre place dans une vision plus large qui intègre l’ensemble des déterminants du bien vivre ensemble. C’est la perspective des Objectifs du Développement Durable des Nations unies. Cette approche, c’est de la promotion de la “santé +”, puisque on ne va plus penser uniquement en référence à nos sociétés humaines mais bien à l’ensemble de la biosphère.
Comment cet enjeu est-il pris en compte aujourd’hui ?
Soulignons que contrairement à d’autres domaines où l’on pourrait trouver que l’École est à la traîne, sur ces questions elle est plutôt plus en avance que le reste de la société. Avec l’éducation au développement durable, la promotion de la santé dans les établissements scolaires, la labellisation E3D ou la labellisation Edusanté, nous avons des dispositifs qui permettent de développer la capacité des élèves à penser les enjeux sociétaux, environnementaux, économiques, sanitaires, dans une approche holistique. Le deuxième levier majeur est celui de l’enseignement non formel, c’est-à-dire des dynamiques associatives, qui sont d’une importance équivalente à ce que propose l’éducation formelle. Les réseaux associatifs sont dans des démarches éducatives à même de développer chez les personnes, grandes ou petites, les capacités à penser l’ensemble des enjeux de manière intégrée. Ces avancées sont parallèles et elles sont décisives. Et permettre la rencontre de l’Education nationale et de l’associatif, comme c’était le cas aux Rencontres internationales de la classe dehors, permet d’en prendre la mesure.
Pouvez-vous donner un exemple d’expérimentation éducative intégrant l’enjeu Une seule santé ?
Des exemples, il y en a partout, et notamment quand il y a de la coopération entre des municipalités, des acteurs du scolaire, des réseaux associatifs, voire du monde sportif. Je vais donner l’exemple de la cité éducative de La Gauthière-Les Vergnes, deux quartiers prioritaires REP+ à Clermont-Ferrand. En articulation avec le système éducatif et le réseau associatif, la municipalité y a mis en place une démarche de parcours éducatif de santé qui se matérialise de 3 façons. Via une séquence d’activités éducatives organisées tout au long de l’enfance et de l’adolescence pour permettre à chacun et chacune d’acquérir les compétences dont il ou elle a besoin pour être en bonne santé dans son milieu de vie. Ces activités sont délivrées par les centres sociaux, les associations, les services municipaux ou l’école. Le second élément est la création d’une “green way”, un parcours matérialisé dans le quartier, fait avec les habitants, avec des panneaux qui indiquent à chaque fois des informations clés. Par exemple, quand on se trouve devant l’établissement d’un professionnel de santé, on va nous préciser comment on y accède et quelle est son action sur tel ou tel déterminant de santé. Dans un espace végétalisé, le panneau proposera une identification des différents êtres vivants qui s’y trouvent et leur interaction avec la santé. Dans un square des exemples d’activités physiques ludiques qui peuvent y être mis en œuvre ou bien des idées pour préserver l’environnement. Enfin, une application est en cours de développement pour suivre cette démarche de parcours.
C’est une approche Une seule santé car une diversité d’acteurs du territoire travaillent ensemble pour que tous les enfants bénéficient d’une éducation à la santé qui soit adaptée aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, dans ses dimensions, individuelles, sociales comme environnementales. Ensuite elle propose un travail sur le milieu lui-même et les vivants qui y cohabitent avec nous. Et enfin elle propose des temps forts qui permette aux enfants, aux familles comme aux professionnels et aux bénévoles de capitaliser autour de ces expériences.