Le programme de recherche Micropolit porté par l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, vise à mieux comprendre la thématique des micropolluants émergents au niveau côtier et littoral. L’équipe cherche à identifier ces molécules et à comprendre leurs effets néfastes sur les écosystèmes et les espèces vivantes. Rencontre avec Mathilde Monperrus, docteur en chimie, coordinatrice du projet.
Pourquoi surveiller les micropolluants dans l’eau ?
La qualité des eaux de baignade n’est vérifiée que sur ses paramètres bactériologiques et tous ces micropolluants « émergents » ne sont pas encore réglementés. Les stations d’épuration ont été conçues pour traiter à la base des bactéries fécales et de la microbiologie, mais pas pour filtrer de la molécule chimique. Il s’agit, avec ce projet, d’analyser, de rechercher les micropolluants émergents de diverses origines (pesticides, pharmaceutiques, produits de soin, écrans solaires, détergents…), de déterminer leur source et ce que l’on appelle leur réactivité, c’est à dire de comprendre comment ces molécules vont se comporter dans un écosystème, comment vont-elles se dégrader, se transformer et de comprendre les effets. L’autre grande question de recherche, c’est l’effet cocktail, c’est à dire l’effet combiné de ces molécules.
Comment s’est organisé ce programme de recherche ?
Un premier projet s’est déroulé de 2016 à 2020, grâce au soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine, avec un financement européen dans le cadre du Feder (Fonds européen de développement régional) et de l’Agence Eau Adour Garonne. L’originalité de Micropolit est d’associer des équipes de scientifiques de différentes disciplines – biologistes, chimistes, physiciens, mathématiciens – de la fédération de recherche Mira (Milieux et ressources aquatiques) ainsi que les chercheurs en sciences sociales du laboratoire Tree du CNRS. Au total, 60 chercheurs et 8 labos ont collaborés sur une vision globale de la connaissance des micropolluants dans les zones estuariennes et côtières. Cette première phase a permis un premier inventaire de la contamination du milieu côtier du sud de l’Aquitaine, la compréhension des principales sources de micropolluants (industrielle, agricole et domestique) leur occurrence et leur devenir dans la zone côtière et leurs impacts sur les organismes aquatiques principalement en termes de bioaccumulation et de biodiversité.
Quelle est la continuité du projet ?
Nous poursuivons nos recherches avec un projet baptisé « MICROPOLIT 2 » grâce au soutien de l’agglomération Pays Basque et de l’UPPA. Les financements étant moindres, nous avons opté pour 3 axes principaux. D’une part, nous avons pu financer une thèse en sociologie qui servira à identifier les leviers d’action pour limiter ces micropolluants dont une grande partie est d’origine domestique (médicament, détergent, produit de soin). Une deuxième action vise à une meilleure identification des sources de ces molécules avec le développement de nouveaux outils pour tracer les empreintes notamment dans les réseaux d’eaux usées. C’est une tâche complexe car il existe beaucoup de molécules différentes dont certaines sont aussi susceptibles de se transformer en d’autres substances. Le troisième axe concerne l’évaluation des impacts physiologiques et écologiques des micropolluants sur les organismes/populations. Nous travaillons notamment sur les poissons migrateurs. Ceux-ci passent par l’estuaire, véritable cocotte-minute des polluants, pour partir se reproduire en eau continentale. Nous avons par exemple découvert qu’un polluant, même à faible dose avait un impact sur certains poissons comme la civelle à migrer.
De quelle manière communiquez-vous ces résultats ?
Nous communiquons beaucoup auprès des scolaires ou avec le grand public lors de « Café des sciences ». Nous sommes souvent confrontés à des questions sur la santé humaine. Bien sûr, on parle du continuum avec les poissons commerciaux, que l’on retrouve dans nos assiettes, mais aussi de notre pouvoir d’agir, notamment pour les éco-anxieux, en changeant nos comportements pour stopper la pollution à la source. Nous répondons aux sollicitations des associations lanceuses d’alerte afin d’apporter des connaissances scientifiques. Nous avons sur le territoire basque un GIS ( Groupement d’Intérêt Scientifique) qui vise à mettre en relation les politiques avec les scientifiques. La qualité des eaux du littoral est au cœur des préoccupations du GIS. Nous avons des discussions par exemple pour trouver des solutions innovantes pour l’amélioration des procédés biologiques existants dans les stations d’épuration.
Présentation du programme Mircropolit