C’est l’histoire d’une femme qui a scellé son destin à l’eau. Celle qui étanche les soifs, douce, invisible, souvent souterraine … que certains appellent à juste titre « l’or bleu ». Claire Moras, co-fondatrice du Ceseau, a compris, il y a 15 ans déjà, les premiers signes d’alerte concernant cette ressource vitale. Porteuse d’utopies concrètes, persuadée qu’il n’est pas trop tard pour agir, elle mène des actions de terrain pour préserver ce joyau.
« Et puis un jour, l’eau vint à manquer….On repousse ce moment mais il faudra bien l’affronter. On gaspille, on pollue, et si le siècle de la soif avait commencé ? » s’inquiète Claire Moras.
Pourtant, comme l’écrivait si joliment Paul Eluard « La terre est bleue comme une orange ». De fait, vu de l’espace, le bleu domine notre planète. L’eau est bel et bien abondante. Cependant, elle n’offre qu’une quantité dérisoire à consommer : 2% seulement d’eau douce. Une ressource précieuse dont on ne sait toujours pas calculer la vraie valeur tant il est entendu qu’elle est un bien commun. L’eau est tenue pour acquise. Elle est « courante » finalement.
« La plupart des consommateurs n’ont aucune idée de son origine. Vient-elle d’une rivière, des pluies, d’une nappe phréatique, d’un lac, d’une station d’épuration ? Ils n’en savent rien, ne s’en soucient guère et en conséquence, ils en oublient la valeur. 50% des interrogés dans le cadre d’un sondage Sofres pour le CIEau pensent que l’eau utilisée au quotidien est réutilisée. Pas étonnant, dans ces conditions, que l’eau ne soit pas respectée… Il faut donc éduquer les citoyens pour qu’ils comprennent, dans sa complexité, son cycle, la valeur de l’eau, c’est le sens de ma démarche, » explique Claire Moras. Comprendre qu’il s’agit aujourd’hui de sauver toutes les eaux si l’on veut sauver toutes les vies.
Le puisatier et l’amie
Ceux qui s’engagent vers un modèle de société compatible avec une bifurcation écologique majeure prennent généralement pour fable celle du colibri et de sa part infime pour changer le monde. Celle de Claire Moras pourrait s’appeler « le puisatier et l’amie ». C’est en effet une double rencontre pendant ses études de géologie « Sciences de la Terre et de l’Univers », à l’université Bordeaux qui l’a orientée vers une vie plus bleue.
Le premier est un puisatier du bassin d’Arcachon qui l’a alertée sur la création de puits sauvages et de mauvaises pratiques d’utilisation. La deuxième : une amie d’enfance étudiante en hydrologie qui l’a accompagnée dans son engagement. « Avec l’appui de la DRIRE (aujourd’hui DREAL), nous avons fait du porte à porte pour informer, sensibiliser et on nous a sollicité pour intervenir auprès des enfants, » se souvient Claire.
L’idée lui plait, s’en suivra un Master 2 de communication scientifique « pour transmettre, éduquer, vulgariser ». Puis des premiers emplois de médiatrice à Cap science, des piges en journalisme scientifique… En 2007, elle fonde avec son amie le Ceseau, association consacrée à la protection des nappes d’eau souterraines, qui vise à responsabiliser la population sur ses pratiques et ses usages. En parallèle, elle continue de travailler également à mi-temps comme chargée de communication à l’université puis dans un cluster dédié à l’innovation dans le vin.
Le pouvoir d’action
Favoriser l’engagement citoyen : tel est le credo du Ceseau à travers deux volets majeurs : les économies d’eau et les enjeux de santé environnement liés aux pollutions diverses (micropolluants, perturbateurs endocriniens, plastiques…) dans une optique One Health. « Individuellement, nous avons tous le pouvoir d’agir en limitant notre consommation et les pollutions à la source » assure Claire Moras. Nous sommes la fameuse goutte dans l’océan.
Soucieuse de démocratiser le savoir sur le sujet, avec son équipe, elle crée des outils d’animation, vulgarise la science, multiplie les rencontres avec des jeunes du primaire au lycée, promeut l’ensemble des solutions alternatives permettant d’éviter une consommation excessive.
« L’association compte aujourd’hui 4 personnes à plein temps, médiatrice, animatrice, coordinatrice et deux services civiques. Environ 2000 personnes par an sont sensibilisées à travers nos différentes actions. La mallette Aquamalle créée il y a un an, en accès libre, est aujourd’hui téléchargée 5 à 10 fois par jour. Notre optique ? Continuer à sensibiliser les jeunes qui sont un formidable vecteur de changement, accompagner les collectivités par le biais de la formation et pourquoi pas les acteurs du privé sur certains métiers. Nous avons commencé avec l’opération de sensibilisation autour des mégots auprès des restaurateurs et organisateurs d’événements, et prochainement auprès des professionnels du tourisme. Nous réfléchissons également à la création d’un nouvel outil sur le changement climatique et l’eau » précise t-elle.
Depuis janvier 2024, le Ceseau a intégré la MNE. Et Claire Moras a choisi de se consacrer à 100% à son association. Au nom de l’or bleu…
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