Le centre antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) de Bordeaux reçoit 24 000 appels par an. Au bout du fil : des cas d’ingestion de shampooing, de champignons non comestibles, de confusion entre médicaments, de symptômes variés en attente d’une réponse… Au moindre doute, il ne faut pas hésiter à appeler le CAPTV en expliquant sa situation. Mais la mission ne s’arrête pas au simple diagnostic. Rencontre avec Magali Labadie, toxicologue, chef de service du CAPTV de Bordeaux.
Les centres antipoisons et de toxico-vigilance (CAPTV) sont des services de centres hospitaliers universitaires qui ont pour missions d’évaluer le risque des expositions toxiques et de donner avis et conseils en matière de diagnostic, de pronostic et de traitement des intoxications, aiguës ou chroniques, par tout produit ou substance. Neuf centres se répartissent sur le territoire aquitain, mettent leurs données en commun et collaborent.
A l’écoute 24 h sur 24
« En pratique, nous assurons une réponse téléphonique qui fonctionne 24h sur 24 à des demandes d’urgence. J’ai tel symptôme, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que je vais devenir… » C’est le type d’appel que nous recevons. On nous demande un diagnostic. Parfois, c’est le patient, parfois ce sont les médecins, lorsqu’ils sont en présence d’intoxications inhabituelles pour lesquelles ils ne disposent que de peu d’informations ou lorsqu’ils souhaitent être confortés dans leur prise en charge médicale d’une intoxication grave. Nous apportons au téléphone à la fois une aide au diagnostic, à la prise en charge et au traitement » explique Magali Labadie. Les centres Antipoison et de toxico-vigilance sont des centres d’information sur les risques toxiques de tous les produits existants, médicamenteux, industriels (produits ménagers, fumées industrielles…) et naturels (champignons, serpents, méduses…). Qu’il s’agisse d’une intoxication volontaire ou accidentelle, collective ou individuelle, chronique ou ponctuelle, chaque jour, le Centre Anti-Poison et de Toxico-Vigilance de Bordeaux répond à 65 appels en moyenne. « La plupart des intoxications sont accidentelles : dans 40% des cas elles sont dues à des médicaments et presque une fois sur deux, elles concernent des enfants de 1 à 9 ans » précise Magali Labadie. En Aquitaine, chaque saison a son lot d’intoxications habituelles « à l’automne, les champignons qui peuvent avoir des conséquences mortelles ; l’été les serpents, brûlures de physalies, vives, et intoxications aux coquillages. » Et parfois des insolites comme ces résidents d’une maison de retraite la veille d’un premier de l’an. « La dame de service leur avait offert un petit savon en forme de fagot aux effluves de cannelle, délicatement posé sur la table de fête : ils l’ont tous mangé, croyant que c’était une mise en bouche ! »
La toxico-vigilance
Le CAPTV participe activement avec d’autres partenaires à la toxico-vigilance c’est à dire à la surveillance des effets toxiques pour l’homme d’un produit, d’une substance ou d’une pollution aux fins de mener des actions d’alerte, de prévention, de formation et d’information. « Nous réalisons un travail de vigilance pour prévenir les risques et surveiller les effets toxiques d’un produit sur l’homme. Nous sommes censés dépister sur un ensemble de signaux des problématiques émergentes ». Tous nos dossiers rentrent dans une base commune, la Banque nationale des cas d’intoxication (BNCI) et les 9 centres se réunissent tous les mois.
« Il y a quelques années, les CAPTV ont commencé à recevoir les premiers appels concernant une désagréable sensation d’amertume persistante dans la bouche, ne sachant pas trop à quel événement le rapporter. Nous nous sommes rendu compte que le symptôme était consécutif à l’ingestion de pignons de pin, une variété non comestible provenant de Chine. Il faut que les gens nous appellent, c’est parce que plusieurs personnes vont déclarer la même chose que l’on va remarquer un problème. Dès que nous avons un signal, nous prévenons nos tutelles (la Cellule de l’INVS-CIRE Aquitaine, l’InVS ou l’Agence Régionale de Santé) qui prend en charge l’enquête. » Ce fut le cas aussi en 2008 avec la physalie, cette sorte de méduse inconnue jusqu’alors qui a débarqué sur les plages aquitaines. « Nous avons remarqué une augmentation du nombre de cas d’envenimations, et la presse signalait également des échouages de ces animaux sur les plages. Il y a eu au final 865 dossiers. Aujourd’hui, nous formons les médecins urgentistes et dermatologues pour la prise en charge. Il faut absolument déclarer. C’est le message que nous souhaitons faire passer. Si vous suspectez une histoire toxicologique, prévenez-nous : on peut agir ! » souligne Magali Labadie.