
Pour certains, le coup d’arrêt du 17 mars 2020, cette « trêve » imposée par le confinement a agi comme un puissant révélateur, impulsant des envies de changement. Ce fut le cas pour Thomas Becking, docteur en biologie, chercheur à l’université de Poitiers qui a quitté sa tour d’ivoire pour créer sa petite entreprise, Vagasciences, destinée à la médiation scientifique.
Pendant une dizaine d’années, Thomas Becking a été un chercheur comme tant d’autres. Thèse, post doctorat au sein du laboratoire universitaire et CNRS d’Écologie et biologie des Interactions (EBI) puis des cours à l’université de Poitiers.
Il aura fallu le confinement pour que Thomas réalise qu’il était déjà confiné. Dans son labo, il navigue entre les graphiques, les échantillons, les microscopes, essaie de comprendre la vie pour comprendre les impacts. Il explore l’infiniment petit, traque les interactions d’une bactérie féminisante sur le matériel génétique des cloportes, tente de percer les mystères de la peste des écrevisses… Un travail de l’ombre, dont les résultats sont largement ignorés du grand public.
Et quand la déferlante sur les vaccins ARN, suspectés de causer mille et un maux envahit la sphère médiatique, Thomas s’interroge : « j’ai travaillé sept ans sur l’ARN messager utilisé pour les vaccins. Des informations fausses circulaient en boucle. En tant que chercheur, j’ai commencé à m’interroger sur l’essence même du métier de scientifique. J’ai pris conscience que notre travail n’était pas diffusé en dehors des circuits universitaires. Il y a un enjeu de société. La science ne peut vivre qu’en symbiose avec la société. Il faut aussi essayer de déconstruire certains discours en apportant des connaissances. Il m’a semblé plus utile de diffuser de la connaissance plutôt que d’en produire. »
Thomas troque sa blouse blanche pour chausser « des semelles de vents » et baptise son entreprise d’un mot-valise : Vagasciences (composé de vagabond et science). Sur son compte linkedin, il se présente désormais comme conteur de sciences (et docteur, aussi). Le néologisme se révèle être une formule d’émancipation. S’il prend son bâton de pèlerin, ce n’est certainement pas pour aller nulle part ! Son chemin professionnel conjugue sa passion pour les sciences, son engagement écologique et sa vocation de passeur de savoirs. Question de tempo, il veut désormais participer, être l’un des compositeurs de la force qui propulse l’écologie.
Réinventer la transmission
Bien sûr, il mise sur la jeunesse, et se rapproche de l’Espace Mendès-France. Lauréat d’un appel à projet sur la thématique One Health, il met en place une balade verte insolite « j’ai mis en place dans Poitiers une balade parsemée de QR codes reliés à des articles vulgarisés d’écologie, de psychologie sociale ou de droit. » En 2023, il est missionné par la Vie La Santé du CHU de Poitiers « pour développer un parcours d’animation, à destination d’un jeune public (15/25 ans), traitant de cette relation entre notre environnement et notre santé. PE, écoanxiete, One Health… Ou, comment faire prendre conscience que pour faire la promotion de notre santé, commençons par prendre soin de notre environnement ! Je me retrouve parfaitement dans ce concept One Health qui défend une vision intégrée de la santé du vivant, une interconnexion. Ce projet m’a permis de rencontrer des acteurs de la santé publique et de mieux comprendre la nécessité d’approches holistiques».
En 2024, l’espace Mendes France l’intègre dans son programme « Images de sciences, sciences de l’image » qui propose des projections de documentaires accompagnés de débats avec des experts, mettant en perspective les enjeux, à l’écoute des questions du public. « Je suis intervenu pour diverses projections en lien avec le moustique tigre, les PE, les plastiques, les pesticides dans l’agriculture. Le grand public ne se contente plus de participer à des conférences où l’on reçoit le savoir sous la forme d’un cours magistral. Il y a désormais une appétence pour le débat, échanger avec les scientifiques. »
Des projets ?
« Au-delà de l’événementiel, je rédige des articles de vulgarisation scientifique et je continue un travail commencé avec les musiciens de l’Écarquilleur d’Oreilles qui propose de mêler culture musicale et culture scientifique à travers un format original avec un concert (violon/violoncelle) et une conférence scientifique gesticulée où j’interviens pour parler des liens entre santé animale, végétale et humaine. Dans cette perspective, j’ai aussi participé à un court-métrage intitulé Tiresia, réalisé par Alphée Carrau de l’Ecole Européenne Supérieur de l’Image, qui conjuguait des approches scientifiques et artistiques. Je suis guidé par l’échange, le partage, susciter la curiosité et restituer la connaissance que j’ai eu la chance d’acquérir au cours de mon parcours universitaire et professionnel. »
A n’en pas douter, Thomas Becking n’a pas fini de surprendre. Esprit vagabond, esprit fécond…
Lien vers le site de vagasciences