Il y a 20 ans, il fallait de l’audace, un soupçon d’indocilité et une sacrée dose de résistance aux vents contraires pour lever le voile sur les substances chimiques toxiques du quotidien. La santé-environnement, le concept subtil d’épigénétique combiné à une vision holistique de la santé était alors disruptif. Isabelle Farbos, docteure en génétique et biologie moléculaire fut la pionnière en Nouvelle-Aquitaine.
Un pionnier, c’est quelqu’un qui est prêt à s’aventurer sur des territoires inconnus, qui défriche, emprunte bien souvent le chemin le moins fréquenté et ouvre la voie. « Il fallait oser à l’époque ! », se souvient Isabelle Farbos, alors chercheuse en génétique à l’université de Bordeaux. Le déclic ? La naissance de son premier enfant. Elle quitte la recherche scientifique et s’engage. Plus qu’une simple lanceuse d’alerte, elle part sur le terrain pour proposer des solutions.
« En 2004, j’ai co-fondé l’association Habitat Santé Environnement (HSEN) avec Ragnar Weissmann, docteur en microbiologie, dans l’objectif de sensibiliser le maximum de publics aux liens qui existent entre ADN et Exposome (environnements). » HSEN commence à proposer leurs services aux communes pour les accompagner sur la démarche 0 pesticides dans les espaces verts et dégainent des idées de binettes, griffes ou sarcloirs, désherbage thermique, gestion différenciée… Les débuts sont loin d’être paisibles. Isabelle fait l’objet de remarques agressives, taxée de « folle », parfois par des élus… « J’allais au charbon » dit-elle l’œil mutin.
Des débuts difficiles qui n’ont pas entamé son énergie: « Qu’à cela ne tienne, nous avons changé notre stratégie d’approche ! Les liens entre dégradation écologique et dégradation de notre santé étaient plus faciles à démontrer. J’ai utilisé ma casquette de scientifique et mis en avant la santé comme mot de ralliement. C’était un bon moyen de déjouer le discrédit sur l’écologie. La croissance des maladies chroniques (cancer, diabète, asthme, troubles du comportement, infertilité…) était déjà indissociable des pollutions en tout genre. L’argument de la santé, parce qu’il touche tout le monde, pouvait être plus mobilisateur et fédérateur pour promouvoir le changement ».
Isabelle assiste alors à une conférence sur les perturbateurs endocriniens d’André Cicollela, fondateur du Réseau Santé Environnement, qui lui redonne l’inspiration. Son champ de vision et son terrain de jeu s’élargissent. Viendront alors toute une déclinaison de propositions au grès des rencontres.
« Nous avons travaillé avec le Conseil Départemental de la Gironde, la Région Nouvelle Aquitaine, les polycliniques du groupe GBNA-Santé, pour des collectivités, des établissements scolaires, des architectes. Mandatée par l’ARS Nouvelle Aquitaine dans le cadre de la stratégie petite enfance de prévention et de promotion de la santé, j’ai accompagné les 43 maternités de la Nouvelle-Aquitaine. Pour chaque mission, nous proposons, avec des diagnostics et des formations, d’éliminer toutes les molécules cancérigènes (CMR) et les PE du quotidien, au travail mais aussi à la maison. »
L’association a d’ailleurs imaginé un label intitulé « Maternité Saine » pour distinguer les établissements le plus engagés dans la démarche. Elle développera de nombreux outils, Cartable Sain, Nettoyage Sain, Alimentation Positive, Urbanisme Durable pour accompagner les collectivités et les entreprises dans la diminution l’exposition aux molécules chimiques indésirables.
Tous les sujets sont abordés : l’alimentation, la qualité de l’air intérieur/extérieur, la qualité de l’eau, les cosmétiques, les produis ménagers, la fourniture scolaire, les matériaux… mais aussi le stress, les relations sociales, la flore intestinale, la manière dont notre quotidien influe sur notre patrimoine génétique … « Comment nos choix orientent notre devenir, notre vie de demain ? Comment agir pour préserver notre santé ? Quels choix faire ? Aujourd’hui on ne sait pas incriminer une molécule précise sur la pathologie dont souffre un patient ».
Aujourd’hui, elle continue, travaille dans les hôpitaux de Paris, Lyon, Liège, poursuit ses conférences. « Les mentalités ont beaucoup évolué. Il est plus facile aujourd’hui de parler de santé environnementale et de mobiliser les équipes. Cela redonne du sens à leurs métiers. Ils osent et vont de plus en plus loin dans la démarche, ils échangent des idées, se mettent en réseau. Cela va très vite. On embarque tout le monde. Avant, il fallait tout justifier, aujourd’hui, il faut donner des solutions. Avant, je devais démarcher, aujourd’hui, on m’appelle. Il y a un véritable engouement !»
Que faire de cette immense expérience, de toutes ces interrogations ? D’aucuns l’auraient rangée dans un tiroir pour couler des jours paisibles et confortables. Elle, non. Parce qu’elle connaît l’importance de la transmission qui fait gagner du temps aux suivant. Peut être un livre sur la génétique quantique ? Ou former des jeunes pour reprendre le flambeau HSEN d’ici quelques années…
Lien vers la page LinkedIn d’Isabelle Farbos
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