Les chercheurs sont parfois perçus comme inaccessibles, déconnectés de la réalité, et pourtant ceux qui se frottent au grand public sont unanimes : ils y reviennent ! C’est le défi de Nathalie Karpel, chercheuse au CNRS de Poitiers. Son sujet d’étude ? Les micropolluants de l’eau et les solutions de potabilisation. Elle a déjà conçu le webdocumentaire « Le sens de l’eau ». Et compte bien continuer à explorer cette voie…
L’or bleu, c’est encore mieux lorsqu’on peut le boire. Sujet majeur : le partage de l’eau, sa qualité, sa dépollution sont les thèmes sur lesquels planche Nathalie Karpel, Directrice de Recherche au sein de l’équipe Eaux, Biomarqueurs, Contaminants Organiques, Milieux (E.BICOM) du laboratoire CNRS–Université de Poitiers IC2MP de l’ENSI Poitiers. Elle travaille depuis toujours à la détection des micropolluants des milieux aquatiques et aux solutions en matière de traitement des eaux rejetées.
Depuis quelques temps déjà, la chercheuse a ressenti la nécessité de vulgariser pour aider la société à comprendre la complexité du problème et la multiplication des acteurs impliqués dans les controverses.
« Quel est le rôle d’un scientifique ? Nous avons pour but de faire de la recherche mais aussi de la partager, et ce à égales valeurs. Nous communiquons entre chercheurs pour innover, faire avancer nos travaux, mais nous avons aussi pour devoir d’informer la société. Les micropolluants dans l’eau ? Cela fait plus de 10 ans que nous connaissons la problématique et j’ai le sentiment que la lutte face à ces dérèglements se fera aussi par ce partage de la science qu’on nomme vulgarisation. J’ai fait le choix de m’orienter dans un domaine de recherche appliquée il y a presque 30 ans. C’est un domaine où l’on se préoccupe de construire des choses pour la société et je pouvais travailler en amont pour faire évoluer les choses en matière de dépollution. Ma formation initiale d’ingénieur m’a conduite à toujours m’intéresser à ce qui est applicable. »
Pour Nathalie Karpel, plus que jamais, la médiation scientifique, maillon essentiel de la démocratie, se doit d’insuffler ce dialogue entre citoyens et sciences.
Entre les différentes formes que peut prendre cette communication (conférence, exposition, atelier, débat, escape game, fête de la science, recherche participative…) Nathalie Karpel a choisi le webdocumentaire. « Le sens de l’eau » : c’est ainsi qu’a été baptisé ce premier travail, réalisé en lien avec le laboratoire CeRCA (Centre de Recherches sur la Cognition et l’Apprentissage), avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine, sur le cycle de l’eau.
Entre l’arborescence, l’écriture, le scénario, les interviews, le tournage dans les stations d’épuration et à l’institut de chimie des milieux et des matériaux de Poitiers (IC2MP) et le montage : une année complète a été nécessaire à sa réalisation, qui a sollicité 20% de son temps de travail.
« De l’eau de la rivière à l’eau potable, comment ça marche ? », voici un exemple de question à laquelle répond « Le sens de l’eau ». « Ce webdocumentaire est un format original, il permet de creuser le sujet par différentes entrées, sur le milieu naturel, l’utilisation de l’eau, l’empreinte de l’homme et les comportements à changer. Il y a encore 5-10 ans, les industriels et les agriculteurs étaient systématiquement pointés du doigt, on sait aujourd’hui que c’est l’affaire de tous. Il y a une prise de conscience, à nous d’accompagner les citoyens pour les rendre acteurs du changement, leur donner les clés de compréhension et les leviers. Ces micropolluants viennent pour partie des médicaments, des cosmétiques, des produits ménagers…Lorsque je me déplace en conférence ou dans les écoles, les jeunes ont une écoute attentive et positive. Contrairement aux adultes qui cherchent un coupable, les jeunes cherchent des solutions et sont très demandeurs ! »
Persuadée qu’il est urgent de percoler une culture du discernement face au changement climatique et pour s’y préparer concrètement par des actions locales, Nathalie Karpel va donc continuer dans cette voie là et compléter ce webdocumentaire par un deuxième opus sur les eaux souterraines : « leur usage, leur qualité, leur quantité. Le grand public ne connait pas bien cette notion. Les nappes phréatiques sont sujettes à controverse. Je souhaite faire un point sur la réalité des choses. »
En sciences comme en toute chose, les fausses informations se répandent comme des trainées de poudre. Donner le goût de la validation “scientifique” des informations, aller à la source, poser les bonnes questions et donner les réponses, permettre le développement de la curiosité et du savoir : voici son credo.
« En attendant, je suis disponible pour intervenir en direction du grand public et des scolaires, » précise t-elle, car il faut bien le souligner, être confrontée à un autre exercice que les usages académiques habituels lui plait. Du devoir de transmission au plaisir de partager sa passion…
labo.univ-poitiers.fr/membres
Webdocumentaire gratuit accessible sur :
ic2mp.labo.univ-poitiers.fr